Derrière l’objectif : Ajani Charles

Les parents d’Ajani Charles ont remarqué très tôt la propension de leur fils pour les arts visuels. Quand M. Charles avait neuf ans, ils lui ont fait passé une audition pour le programme d’arts de la Claude Watson School for the Arts. Il a été admis au programme d’arts spécialisés de la Claude Watson School for the Arts. À 12 ans, M. Charles avait développé un intérêt pour la photographie. Comme aucun cours n’était offert par son école ou par toute autre école élémentaire ou intermédiaire associée au Conseil scolaire du district de Toronto, le père de M. Charles a inscrit son fils au Toronto School of Art.

« Mon père a loué des appareils photo reflex Canon pour moi, indique M. Charles. J’ai appris à développer ma propre pellicule dans une chambre noire. J’étais accro. L’utilisation d’un boîtier Canon professionnel, l’utilisation d’objectifs professionnels, les prises de vues, le développement de ma propre pellicule… je suis tombé en amour avec cet art presque instantanément. Je me suis identifié comme un photographe à partir de ce moment. »

Apprendre à capturer des clichés sur une pellicule a façonné sa façon de saisir des prises de vues et de se perfectionner en tant que photographe. 

« L’utilisation de la pellicule est encore très présente dans mon esprit et dans mon corps, explique-t-il. À l’école secondaire, j’utilisais mon allocation pour acheter des pellicules, et mon allocation n’était pas très élevée, alors d’un point de vue pratique, je devais faire en sorte que chaque prise de vue compte. Apprendre à saisir des photos avec une pellicule et à développer la pellicule m’ont rendu beaucoup plus conscient et beaucoup plus méticuleux en tant que photographe, surtout à l’adolescence. Sans cela, je ne serais pas aussi compétent sur le plan technique que je le suis actuellement. »

M. Charles est photographe professionnel depuis 2008 et il exploite sa propre société de production depuis 2014.

Trouver sa voie

Le chemin entre un étudiant spécialisé en arts et un photographe professionnel ne s’est toutefois pas fait sans détour. M. Charles ne savait pas vraiment quelle carrière il voulait poursuivre après l’école secondaire. Bien qu’il était attiré vers les arts – il a été admis dans plusieurs programmes au Canada et aux États-Unis – il a choisi d’étudier la philosophie à l’Université Western Ontario à London, espérant que cela lui permettrait d’y voir plus clair. Après s’être plongé dans des activités parascolaires au secondaire – M. Charles utilise des termes comme « perfectionniste » et « superformant névrotique » pour décrire son état d’esprit – il s’est alors consacré uniquement à ses études pendant quatre ans.

« En étudiant la philosophie, et surtout l’existentialisme, j’ai réalisé au cours de mon dernier semestre que la photographie professionnelle serait la décision la plus judicieuse pour moi, indique-t-il. Harmoniser tous les aspects de ma vie avec l’art, ce qui me passionne réellement le plus, serait la décision la plus révélatrice pour moi.

Une fois que j’ai pris cette décision, j’avais beaucoup de rattrapage à faire. »

Pour commencer, l’amateur de pellicules a dû apprendre la photographie numérique. Il a demandé à des photographes plus expérimentés de critiquer son travail. Il a participé à des programmes d’apprentissage. Il a fait des stages. « Ce processus m’a permis de beaucoup m’améliorer en quelques années. »

Aujourd’hui, le talent de M. Charles est multidimensionnel : photographe, réalisateur, producteur, cinéaste et auteur. Il est également un défenseur de la cause de la santé mentale. Son expérience personnelle a stimulé son choix pour le soutien de cette cause.

Défense de la cause de la santé mentale

« En 2014, j’ai connu une crise existentielle », mentionne-t-il. Il a rédigé un article à ce sujet plus tôt cette année dans le Toronto Star. Il décrit comment il en est venu à comprendre à quel point ses croyances et ses habitudes malsaines reposaient sur le conditionnement qui se joue dès l’enfance. « À bien des égards, j’ai fait un 180 degrés et j’ai été en mesure de cultiver une meilleure santé mentale. J’ai réussi à établir des relations saines. » Il en a appris davantage sur le fonctionnement de l’esprit humain et sur la façon dont les gens sont conditionnés par la consommation sociale. « J’ai donc commencé à devenir un défenseur de la cause de la santé mentale, aidant d’autres personnes qui vivent des crises existentielles, font face à des problèmes de toxicomanie ou souffrent de traumatismes passés. »

M. Charles fait régulièrement don de son temps, de ses services et de son capital provenant de projets commerciaux à des initiatives sans but lucratif qui soutiennent la santé mentale. « J’ai réalisé à quel point j’aurais pu bénéficier de conseils quand j’étais plus jeune, souligne-t-il. Je suis très chanceux. Ma mère est une infirmière psychiatrique et elle m’a inspiré de plusieurs façons à devenir un défenseur de la cause de la santé mentale. Le fait de voir le nombre de jeunes qui manquent de soutien sur le plan du développement psychologique a été une grande source d’inspiration pour moi. »

M. Charles est devenu un mentor par l’intermédiaire du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), où sa mère a déjà été infirmière. Grâce au programme Photovoice, il a enseigné aux clients diverses compétences en photographie et les bases de Photoshop. « C’était une formidable expérience de voir la joie qui était apportée aux clients et de voir à quel point ils participaient à la prise de photos, au montage et à la critique du travail de chacun. »

Les activités de bénévolat du CAMH étant actuellement mises sur pause, M. Charles a trouvé d’autres moyens de combiner la photographie et la défense d’une cause. Il est le directeur artistique d’Operation Prefrontal Cortex, un programme de méditation et de pleine conscience conçu pour réduire la violence armée, la violence de masse et la violence policière à Toronto. Son rôle consiste notamment à produire des photos et des vidéos, ainsi qu’à gérer les stratégies de marketing et de marketing de contenu pour les médias sociaux. Le mentor de M. Charles, Julien Christian Lutz, connu sous le nom de Director X., a cofondé le programme.

Il coproduit également un documentaire sur les problèmes de santé mentale chez les membres de la génération Y. Intitulé Layers, ce documentaire présente des membres de la génération Y qui se rencontrent dans différents cafés pour parler librement de leur santé mentale.
Plus récemment, il a participé à Project Healthy Minds, un nouvel organisme sans but lucratif qui vise à mettre fin à la stigmatisation entourant la santé mentale et à faciliter la recherche d’aide et de services. M. Charles produira des photos et des vidéos pour le groupe, mais il s’attend à ce que son rôle évolue au fur et à mesure que l’organisme prendra de l’expansion.

Project T-Dot

Un autre projet est en cours de réalisation depuis 14 ans. Project T-Dot raconte l’histoire de la communauté et de la culture hip-hop de Toronto. « Le projet présente tous les aspects de la scène du hip-hop de Toronto, explique M. Charles. Pas seulement des rappeurs, des DJ ou des producteurs, mais aussi des gérants, des danseurs de breakdance, des artistes de graffiti, des animateurs d’émission de radio, des journalistes et d’autres photographes. » Ce qui a commencé en 2006 comme une série d’images et une façon pour M. Charles de se distinguer des autres photographes a évolué pour devenir un projet documentaire à plusieurs facettes.

Il reste l’aspect photo. Avec Christopher Penrose, son partenaire sur le projet, M. Charles espère organiser une série d’expositions cet automne, en ligne ou, si les circonstances le permettent, en personne à une galerie de Toronto. Ils produisent un livre de prestige qui comprendra non seulement les photos prises par M. Charles, mais aussi des histoires sur ses sujets. Ils produisent un film documentaire. Ils créent également une initiative sans but lucratif qui enseignera aux jeunes des quartiers prioritaires de la ville comment transformer leurs formes d’art hip-hop en leurs propres organismes sans but lucratif ou entreprises durables.

C’est le plus récent moyen utilisé par M. Charles pour chercher à stimuler la créativité dans ces communautés. En 2012, il a lancé un projet pilote appelé The Young Visionaries (qui a récemment été renommé The Visionaries). Il a enseigné aux élèves non seulement l’histoire de la photographie et de la réalisation de films, mais aussi la façon de prendre des photos avec les appareils photo reflex Canon. À la fin, ils ont organisé une exposition pour que les étudiants puissent afficher leurs projets personnels. « The Young Visionaries a probablement été l’un des projets les plus inspirants auxquels j’ai participé, indique-t-il. Une fois le projet terminé, j’ai embauché la plupart de mes étudiants par l’intermédiaire de ma société de production. »

La photographie comme un « flux »

« Le flux est une théorie de la psychologie positive, explique M. Charles. Vivre le flux, c’est être dans la zone, être entièrement conscient, être dans le moment présent. Pour être un photographe, un artiste et un être humain efficaces, il faut vivre le flux à maintes reprises. Je vis le flux presque chaque fois que je prends des photos ou que je réalise un film. Je suis dans la zone, surtout si je participe à un projet stimulant, ou à un projet qui repose sur mes plus grandes valeurs et mes plus grands objectifs. »

Directeur et producteur : Julien Christian Lutz, connu sous le nom de Director X

Design Exchange, Toronto, 2019. Appareil photo : EOS 5D Mark IV de Canon. Objectif : 24-105 mm f/4L II, ISO 3200, f/4,0, 1/25 s de Canon

« Cette photographie est significative et inspirante pour moi, car elle représente le cofondateur d’Operation Prefrontal Cortex, Julien Christian Lutz, connu sous le nom de Director X, en train de guider des centaines d’élèves dans une méditation à l’événement Design Exchange à Toronto. Cette image incarne l’essence de notre mission et le fait que notre cofondateur a transformé son expérience d’être pris en photo à sa propre réception du réveillon du Nouvel An en organisme et en programme qui sauvent des vies à Toronto et ailleurs grâce au travail acharné, au dévouement et à l’ingéniosité de notre équipe. »

Un marchand de cigares

Chengdu, province de Sichuan, Chine, 2012. Appareil photo : EOS 7D de Canon. Objectif : EF-S 15-85 mm 3,5-5,6 IS USM, ISO 400, f/5,6, 1/60 s de Canon

« C’est de loin l’un de mes portraits préférés. Je l’ai pris au cours de mes voyages en Chine, pendant une période difficile et déroutante de ma vie où j’ai envisagé de déménager en Chine pour relancer ma carrière.

Dans certaines circonstances, l’établissement d’un rapport et d’un lien significatif avec son sujet donne les portraits les plus percutants, et je suis reconnaissant de la conversation que j’ai eue avec l’homme, et de la pipe que je lui ai achetée comme souvenir, car il n’aurait jamais sorti la gigantesque pipe qui se trouve dans l’image si je n’avais rien acheté. »

Danseuse et chorégraphe : Claudia Marjanovic

O.I.P Dance Centre, Toronto, 2012. Appareil photo : EOS 7D de Canon. Objectif : EF-S 15-85 mm 3,5-5,6 IS USM, ISO 5000, 18-55 mm, f/4,5, 1/320 s de Canon

« Claudia Marjanovic et sa famille sont mes clients depuis de nombreuses années. Photographier une personne aussi talentueuse que Claudia m’a naturellement inspiré, a fait ressortir le meilleur de moi-même et a mené à la pleine conscience et à un état de flux qui m’ont aidé à créer ce portrait. De plus, le lien que j’ai avec Claudia m’a permis de faire confiance à sa conscience de soi et à sa connaissance du studio dans lequel nous prenions les photos, ce qui a fait en sorte que j’ai été ouvert à sa suggestion de la photographier en train de sauter devant les grandes fenêtres du studio. »

Une timonière

Suzhou, province de Jiangsu, Chine, 2012. Appareil photo : EOS 7D de Canon. Objectif : EF-S 15-85 mm 3,5-5,6 IS USM Lens, ISO 200, f/8,0, 1/80 s de Canon

« Suzhou est souvent appelée la Venise de la Chine, en raison de ses nombreux canaux, et c’est l’une des villes les plus inspirantes et reposantes que j’ai visitées. Cela représente un moment de calme pendant un voyage qui était tout sauf calme. »

Sheikh Zayed Grand Mosque

Grande mosquée Sheikh Zayed, Abu Dhabi, Émirats arabes unis, 2015. Appareil photo : EOS 7D de Canon. Objectif : EF-S 15-85 mm 3,5-5,6 IS USM Lens, ISO 100, f/9,0, 1/250 s de Canon

« La grande mosquée Sheikh Zayed est l’une des plus belles pièces d’architecture que j’ai jamais vues ou photographiées, et c’est un véritable témoignage de la puissance de l’esprit humain et de la créativité, de l’altruisme et de la foi spirituelle des personnes qui l’ont construite. »

Défense de la cause de l’injustice sociale

M. Charles a également utilisé son objectif et sa voix pour attirer l’attention sur des questions d’injustice sociale. Ce printemps, il a publié un article, « Blackness in North America », sur son blogue dans lequel il partage ses pensées et ses recherches sur les origines du racisme et présente des images qu’il a prises lors d’une marche de solidarité à Toronto. « Je crois qu’il est de ma responsabilité en tant qu’artiste, en tant que photographe, en tant que cinéaste et en tant qu’auteur de documenter le plus grand mouvement des droits civils de l’histoire moderne », explique-t-il. 

Cet article lui a permis de faire partie d’un comité mis sur pied par le gouvernement du Canada et Manifesto Community Projects, un organisme d’art urbain à but non lucratif de Toronto. « Je prévois non seulement utiliser la photographie et la réalisation de films pour documenter les injustices, mais je vise aussi à utiliser ces formes d’art en tant que plate-forme me permettant de parler de ces sujets. »

Gordon Parks et Jamel Shabazz sont deux photographes qui l’ont inspiré à documenter les injustices sociales. D’autres artistes, entrepreneurs et photographes, à la fois des personnes qu’il connaît et d’autres qu’il n’a jamais rencontrées, l’ont aussi influencé en général, de manière plus ou moins inexplicable.  « Je suis un étudiant, d’abord et avant tout; je lis énormément chaque jour, indique M. Charles. Mon travail est constamment critiqué, je suis toujours en train d’étudier, je cherche toujours différentes formes d’art. Il serait difficile pour moi de résumer tous les conseils que j’ai reçus, directement ou indirectement. » 

M. Charles apprécie maintenant être lui-même un mentor.

« Je choisis d’enseigner aux jeunes principalement parce que d’autres personnes m’ont enseigné, mentionne-t-il. Et parce que je considère que c’est la bonne chose à faire. Enseigner aux autres renforce ce que je sais être le plus profitable pour moi, pour mon œuvre d’art et pour ma carrière. J’ai énormément appris de mes élèves au fil des ans. Le simple fait de devoir répondre à des questions pertinentes ouvre de nouvelles possibilités dans mon esprit. J’ai aussi appris de toutes les personnes auxquelles j’ai enseigné. Ce n’est d’aucune façon une voie à sens unique. »

Ajani Charles Photographe

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