Le photographe animalier John E. Marriott est réputé pour ses images d’ours, de loups et d’autres surprédateurs. Il est également passionné par la conservation de ces espèces et par le fait de donner une voix à la faune.
Pour son sixième anniversaire, John E. Marriott a reçu un appareil photo à objectif non interchangeable de base. Déjà obsédé par la faune dès son plus jeune âge, il est aussitôt devenu le photographe familial. « Lors de nos voyages dans les Rocheuses canadiennes, je prenais de petites photos des ours et des orignaux que je voyais sur le bord de la route et j’en faisais des albums photos », explique-t-il. « En 1975, je faisais littéralement des livres de photos. »
En 2024, John est aujourd’hui un photographe animalier professionnel primé, avec huit ouvrages publiés. Son travail s’est retrouvé sur des panneaux d’affichage, des couvertures de magazines (dont National Geographic et Maclean’s) et des plaques d’immatriculation de la Colombie-Britannique. Une image qu’il a prise de chevêches des terriers a été utilisée sur un timbre canadien, et une autre de renards véloces figure sur une pièce de monnaie de la Monnaie royale canadienne. La faune a toujours joué un rôle important dans sa vie. Quand la photographie est entrée en scène et que les deux se sont entremêlés, John a trouvé sa vocation.
PRÉPARER LE TERRAIN
John a d’abord étudié les mathématiques. Souhaitant devenir conservateur de parc dans l’ouest du Canada, il a revu ses plans de carrière et changé de spécialité, et a obtenu un baccalauréat en foresterie, parcs et faune de l’Université de Colombie-Britannique et de l’Université de Californie – Berkeley.
Au début des années 1990, il a travaillé comme interprète de la nature pour Parcs Canada dans le parc national de Banff, animant des randonnées guidées, réalisant des diaporamas et mettant les gens en contact avec la nature. Trois de ses collègues étaient des photographes amateurs passionnés. Leur enthousiasme s’est avéré contagieux. John a commencé à emprunter l’appareil photo 35 mm et les objectifs de sa mère. Moins d’un an plus tard, il a acheté son propre appareil photo : un Canon A2E.
En 1996, il a vendu sa première image au magazine Canadian Geographic. L’image d’une mère grizzly et de ses deux oursons marchant dans la neige vers l’hibernation dans la région de Kananaskis a été publiée dans le numéro de janvier/février 1997 du magazine.
« À ce moment-là, je me suis dit que je pourrais peut-être gagner de l’argent avec ça », dit-il. « Mais à part ça, l’année a été difficile. Je n’ai pratiquement pas vendu de photos, mais le processus était lancé dans ma tête. J’ai ouvert un compte bancaire et j’ai obtenu un nom commercial pour ma photographie. À partir de ce moment-là, [devenir photographe animalier] a toujours été mon objectif. »
Peu de temps après, John a quitté Parcs Canada, a créé son entreprise de photographie et a passé trois ans à travailler à contrat pour une entreprise, lui offrant la flexibilité nécessaire pour développer son portfolio. « En 2000, j’ai pu me consacrer à plein temps à la photographie et vivre uniquement de ces revenus », explique-t-il.
EN CONTACT AVEC LA NATURE
« Dans mon travail, j’essaie de transmettre des émotions qui rapprochent les gens de la faune », explique John. « Je peux photographier un puma, par exemple, et rester là pendant huit heures sans que le puma ne me regarde. Mais ce sont ces images, lorsqu’il me regarde et que je parviens à établir une connexion avec le public, où l’on a l’impression que le puma regarde notre âme. C’est ce type d’images que je m’efforce d’obtenir. »
John est également reconnu pour mettre en scène des animaux sauvages dans de grandes scènes environnementales. « Je suis connu pour mes prédateurs – les gens me connaissent comme un amateur de loups, d’ours et de pumas. C’est ce qui me stimule le plus, ce que j’aime photographier et les animaux que j’aime le plus défendre. »
Après plus de vingt ans de carrière, John apprécie également le défi de photographier des espèces nouvelles et difficiles à saisir. « J’en suis aux lions de montagne, ce qui représente le summum de la difficulté au Canada. Je dois les traquer à pied. J’ai de la chance si j’en croise un seul par année.
C’est un processus long et lent qui demande beaucoup de travail, mais j’aime ça. J’aime les défis et j’aime raconter les histoires qui en découlent. » Pour son livre de 2022, The Kootenay Wolves : Five Years Following a Wild Wolf Pack, John quittait son domicile de Canmore (Alberta) à 3 h du matin, parcourait 140 kilomètres en voiture et marchait huit kilomètres – dans l’obscurité et sur des sentiers inexistants – jusqu’à une tanière. Une fois installé, il restait toute la journée, pliant bagage une fois la nuit tombée pour que les loups ne le voient pas partir. Il arrivait à la maison vers 1 h 30 du matin, dormait et était prêt à recommencer. « Je prenais toujours une pause d’un jour ou deux, mais c’était assez intense », dit-il. « J’ai fait ça pendant presque trois mois d’affilée. »
« ON N’OBTIENT PAS TOUJOURS LA PHOTO QUE L’ON VEUT »
La photographie d’animaux sauvages est un outil formidable pour rapprocher les gens de la nature et les éduquer à la conservation de l’environnement. Le fait de comprendre comment immortaliser des animaux sauvages tout en respectant leur écosystème et leur comportement naturel vient avec l’expérience.
« D’un point de vue éthique, avant tout, on n’obtient pas toujours la photo que l’on veut », explique John. « C’est une chose que j’ai dû maîtriser tout au long de ma carrière.
J’ai toujours considéré la photographie d’animaux sauvages comme étant probablement le type de photographie le plus difficile qui soit, parce que c’est le seul type de photographie pour lequel vous ne contrôlez pas vraiment les circonstances. Vous ne contrôlez pas ce que fait l’animal. Vous ne contrôlez pas la météo. Vous ne contrôlez pas la lumière. Vous avez vos propres compétences et votre propre matériel photo, mais tout le reste est laissé au hasard. J’aime le fait de devoir essayer de me trouver au bon endroit et espérer que quelque chose de génial se produise. »
« Pour devenir un bon photographe animalier, il est essentiel de découvrir ce qui vous passionne et de développer votre style », explique John. « Certains vont préférer photographier des hiboux, alors que d’autres vont se concentrer sur les renards, ou se rendre dans l’Arctique pour immortaliser des ours polaires. Je dis toujours aux gens, Ça vous semble intéressant, alors faites-le », dit John. « Faites-en le plus possible, et votre expérience vous conduira tranquillement à devenir un photographe toujours meilleur. »
L’ascension peut être lente, mais elle en vaut la peine. Alors qu’il travaillait encore à Parcs Canada, John a montré certaines de ses images à l’un de ses collègues, un photographe plus expérimenté à l’époque. Son collègue a laissé entendre que les photos ne valaient pas la peine d’être conservées. Ébranlé à l’époque, John sait désormais que ces premières images n’étaient pas dignes d’un portfolio. « Mais quand on débute, on est lié émotionnellement à chaque image que l’on prend. Il faut du temps pour se rendre compte de ce qui est bon, de ce qui capte les émotions des gens. Et ça fait partie du processus. »
UTILISER SA VOIX
John est aujourd’hui bien connu pour son travail de conservation. Sa passion pour ce sujet remonte à l’école secondaire, lorsque la plupart de ses essais portaient sur des questions de conservation de la faune, telles que l’abattage sélectif de loups en Colombie-Britannique. Il a fallu du temps pour qu’il parvienne à combiner ses activités de plaidoyer et de photographie. « Quand on débute dans la photographie animalière, on n’a pas vraiment l’occasion de s’intéresser de près à la conservation », explique-t-il. « J’avais du mal à payer les factures. J’essayais simplement d’élargir mon portfolio le plus rapidement possible, pour avoir une image à vendre dès qu’un magazine m’appellerait. » Ce n’est qu’après avoir établi son nom grâce à quelques livres publiés qu’il a commencé à penser au-delà de son activité.
Il est aujourd’hui membre associé de l’Internationale League of Conservation Photographers et membre du conseil d’administration du Canadian Conservation Photographers Collective. « Je peux donner des conseils et contribuer à la formation de la prochaine génération de photographes animaliers », explique-t-il. « Nous construisons une base beaucoup plus vaste de personnes qui sont informées sur les principaux problèmes de conservation au Canada : le changement climatique, la biodiversité, les injustices faites à beaucoup de nos prédateurs, comme le piégeage des loups et la chasse aux grizzlys. »
Il est également cofondateur de l’association EXPOSED Wildlife Conservancy, une organisation caritative canadienne enregistrée dont l’objectif est de faire évoluer la manière dont la faune et les milieux sauvages sont gérés et protégés. EXPOSED défend principalement les surprédateurs tels que les pumas, les grizzlys, les loups et les carcajous. « Ce sont les quatre grands prédateurs pour lesquels nous espérons voir des changements au niveau national et provincial », explique John. « Nous voulons notamment actualiser les réglementations concernant le piégeage et la chasse, et protéger davantage d’habitats, parce que ces quatre espèces sont essentielles à la biodiversité au Canada. »
LES OUTILS DE SON MÉTIER
John a considérablement amélioré son équipement depuis l’achat de son Canon A2E il y a plus de 30 ans. Aujourd’hui, son matériel comprend une variété de super téléobjectifs, de téléobjectifs zooms et d’objectifs ultra grand-angle, une paire de multiplicateurs de focales, ainsi que deux EOS R5. Son grand objectif est l’EF 500 mm f/4L IS II USM. Ce qu’il emporte avec lui chaque jour dépend du voyage. Dans des endroits comme la forêt pluviale du Grand Ours, où la lumière est faible, il emportera le RF 70-200 mm F2,8 L IS USM pour la rapidité de l’objectif. Pour les sites bien éclairés qui impliquent une randonnée plus longue, il utilisera le RF 100-500 mm F4,5-7,1 L IS USM, plus léger, qui donne à John la portée dont il a besoin sans le poids du 500 mm.
Il utilise maintenant un appareil sans miroir. « C’est l’une des rares fois dans l’histoire de la technologie des appareils photo où la mise à niveau vers le dernier modèle sans miroir fait vraiment la différence pour un photographe animalier, parce qu’il a un meilleur autofocus que celui des anciens modèles et de meilleurs fichiers », déclare-t-il. « C’est une différence importante du point de vue de la photographie de la faune. »
John a récemment emprunté le super téléobjectif RF 1200mm F8 L IS USM de Canon, qui pèse le même poids que son EF 500 mm f/4L IS II USM, mais dont le zoom est 240 % plus puissant. Il l’a utilisé lors d’un voyage à Prince Rupert, en Colombie-Britannique. Il a pu immortaliser un grizzly nommé Summer qui aurait autrement été hors de portée.
« Nous nous approchons généralement assez près des ours, mais pas suffisamment pour faire des photos de tête », explique-t-il. « Dès que j’ai vu que l’ours restait immobile, je suis passé au RF 1200 mm et j’ai visé son visage uniquement. C’était absolument génial d’arriver à le faire.
Un autre moment marquant, c’est que pendant toute ma carrière, j’ai essayé d’obtenir une bonne photo du martin-pêcheur d’Amérique. Ils sont extrêmement méfiants des bateaux et des gens, et ne se laissent jamais approcher. Avec cet objectif, je n’ai pas eu besoin de m’approcher très près. Quand nous nous approchions, personne d’autre ne prenait de photos, et moi j’arrivais déjà à prendre de magnifiques clichés plein cadre du martin-pêcheur. »
« JE FAIS EXACTEMENT CE QUE JE VEUX FAIRE »
Alors que John célèbre sa 25e année en tant que photographe professionnel à plein temps, il a encore du travail à faire, d’autres animaux à photographier. Il aimerait photographier des bélugas, des morses et des pékans. Il lui reste encore une saison sur le terrain pour son prochain livre, consacré aux pumas. Dans le cadre de la campagne « Trapped in the Past » d’EXPOSED, il plaide en faveur d’une révision des règles de piégeage qui ont entraîné la souffrance et la mort d’un nombre incalculable d’animaux à fourrure. John est également propriétaire et exploitant de Canadian Wildlife Photography Tours, qui propose des visites, des ateliers et des expéditions pour les photographes de tous niveaux.
En faisant de la photographie animalière son métier, John a vécu des expériences qu’il n’aurait jamais imaginées, tant avec les animaux qu’il a rencontrés qu’avec les gens qu’il a côtoyés. Il peut passer une semaine à traquer les pumas, et la suivante à diriger une visite guidée pour photographier les grizzlys.
« La photographie d’animaux sauvages est souvent considérée comme une profession solitaire », explique-t-il, « et j’ai vraiment de la chance de ne pas avoir à être complètement seul pendant une partie de ma carrière. Je fais beaucoup de travail de conservation, mais je travaille encore suffisamment pour payer mes factures. Je fais exactement ce que je veux faire en ce moment. »