Derrière l’objectif : Natasha Gerschon

Natasha Gerschon ne pensait pas qu’une carrière dans les arts était possible lorsqu’elle était enfant. En poursuivant sa passion, la photographe de mode et de beauté installée à Toronto s’est ouvert de nouvelles possibilités.

Natasha Gerschon a ce souvenir d’avoir à la main le caméscope de sa grand-mère et de percevoir tout ce qu’elle voyait dans le cadre avec une netteté surréelle alors qu’elle avait sept ans. Le rythme de ce qu’elle filmait devait être absolument parfait. Elle évitait soigneusement tout mouvement de la main pour assurer la stabilité des images qu’elle filmait.

Elle aimait raconter des histoires, mais elle croyait que sa créativité ne servirait qu’à filmer des réunions de famille.

« Lorsque j’étais enfant en Amérique du Sud, devenir une artiste était presque impossible », dit-elle. « Les arts étaient perçus comme des passe-temps. Il fallait être médecin, architecte ou avocat pour gagner sa vie. Je n’ai jamais pensé que je pourrais intégrer la photographie, ou quoi que ce soit d’artistique, dans ma carrière professionnelle. »

Mme Gerschon peignait et sculptait, mais ce n’est qu’une fois que sa famille originaire d’Argentine s’est installée au Canada, alors qu’elle était en neuvième année, qu’elle a découvert tout ce qu’était la photographie. Elle a suivi un cours et a appris tous les aspects techniques de la photographie, y compris comment développer son propre film. Elle a eu le coup de foudre pour ce processus.

Après l’école secondaire, elle s’inscrit au programme d’arts visuels et créatifs du Sheridan College. Deux ans plus tard, elle s’inscrit au programme de photographie, ayant la conviction d’avoir trouvé sa voie. « C’était un tout autre processus d’apprentissage, et je devais donc appliquer à la photographie le bagage de connaissances que j’avais acquises avec d’autres médiums », dit-elle. « Je ne me suis jamais considérée comme une grande peintre ou sculptrice. Mais avec la photographie, je pouvais à la fois peindre et sculpter juste en prenant une photo. Je me suis dit ” J’ai trouvé ma voie “. Ça me permettait de faire tout ce que je voulais faire au moyen d’un seul médium. »

Réseautage

Au Sheridan College, Madame Gerschon rencontre d’autres individus créatifs, dont des maquilleurs et des créateurs de mode en réalisant ses travaux de classe sur le campus. Lorsqu’ils ont eu leur diplôme, les maquilleurs ont eu besoin d’un portfolio, et le bouche-à-oreille a vite fait connaître ses compétences en photographie. Elle a pris des photos pour aider des artistes à constituer leur portfolio et ceux-ci ont décroché un emploi dans des entreprises de produits de maquillage et des grands magasins ainsi que dans des entreprises de grandes marques de l’industrie.

Quelqu’un dans le domaine de la coiffure l’a recrutée pour participer à une importante compétition. Le duo s’est classé deuxième à cet événement mondial. « Ce mandat allait jouer un rôle très important dans ma vie, mais je n’en avais alors aucune idée. Je m’étais dit : ” Oui, je vais prendre les photos. Pourquoi pas? “, se rappelle Madame Gerschon. « J’étais trop stressée et bourrée d’adrénaline pour faire quoi que ce soit ou pour rencontrer des gens de l’industrie. Prendre ces photos à la compétition de coiffure m’a ouvert les portes d’un tout nouveau monde que je ne connaissais pas du tout à l’époque, celui de l’industrie de la beauté. »

Madame Gerschon supposait qu’elle allait travailler en publicité. Elle aimait la publicité, surtout les campagnes qui s’appuyaient sur un concept progressif utilisant l’humour et le sarcasme pour vendre un produit. « Ce qui s’est produit, c’est que je me suis retrouvée si totalement immergée dans le monde de la beauté englobant la coiffure, le maquillage puis, finalement, la mode, que je suis tombée amoureuse de ce monde », dit-elle. « J’étais tellement sollicitée par l’industrie de la beauté que je faisais mon chemin dans ce domaine. »

Certains de ses premiers contrats consistaient à photographier des coiffures qui allaient orner les murs de salons dans la région du Grand Toronto. Les liens tissés dans ce cadre l’ont mis en contact avec les grandes marques de l’industrie qui l’ont embauchée pour des séances de photos d’entreprise à l’interne. Le salaire qu’elle touchait régulièrement lui a permis de laisser tomber son emploi de serveuse de restaurant et de bar. En 2014, elle est devenue photographe à temps plein. « C’est devenu quasiment une vocation », dit-elle. « C’était terrifiant parce que je savais que je ne dépendrais que de moi-même, et de personne d’autre, mais je devais le faire. »

« Je réussis à créer mon petit monde bien à moi. »

Madame Gerschon est maintenant travailleuse autonome, mais chaque séance de photo est une occasion de collaborer avec d’autres. La photographie de mode et de beauté encourage l’originalité, et amène tout le monde à laisser libre cours à son imagination. « C’est si créatif que je sens que je réussis à créer mon petit monde à moi », explique-t-elle. « Mon équipe est d’une importance capitale, même si ce n’est pas toujours la même. Les gens qui en font partie sont ceux qui peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes et qui font en sorte que nous puissions créer quelque chose de beau, quelque chose de profondément conceptualisé ou simplement de l’art. »

Il n’est pas facile d’accoler une étiquette au style de Natasha Gerschon, mais cela n’est pas attribuable au hasard. « À mes yeux, mon style est expérimental parce que je fais des expériences pour moi-même », dit-elle. « Je crois que je fais beaucoup appel à mes sentiments, surtout dans mon travail personnel. J’y mets mes intentions et toute mon âme. »

Elle dit qu’elle a eu la chance de travailler avec des clients qui font confiance à sa vision et qui lui demandent son avis. Pour elle, il n’est pas suffisant de comprendre la dernière campagne du client. Elle doit aussi comprendre le client lui-même. Elle veut savoir qui sont les gens visés par la campagne et comprendre l’objectif du client. De cette façon, elle peut répondre aux besoins de ce dernier et prendre des photos qui respectent l’image de la marque tout en leur insufflant son style unique.

Sans crainte devant l’inconnu

Photographe professionnelle depuis sept ans, Madame Gerschon sait qu’il n’y a pas deux séances de photographie identiques et que les meilleures d’entre elles lui laissent un sentiment singulier. « Quand je sens qu’une séance de photos est réussie, c’est que je suis enfin parvenue à réaliser ce que j’avais en tête. Que j’ai concrétisé mon idée », dit-elle. « C’est à ce moment que la séance devient spéciale. »

Mme Gerschon n’a jamais eu peur d’essayer de nouvelles choses en photographie; ce n’est pas sans raison qu’elle qualifie son travail d’expérimental. Elle ne craint pas de repousser les limites et de fusionner la photographie avec d’autres médiums. Sortir des sentiers battus peut être risqué, mais cela peut aussi être très gratifiant.

« C’est étrange parce que je me sens parfois appréhensive par rapport à ce que je produis, et parfois cette appréhension se transforme en exaltation, surtout quand je ne sais pas où cela va mener. C’est la partie intéressante », dit-elle. « Lorsqu’il y a un risque, il n’y a pas d’autre choix que de foncer, et c’est très excitant. »

Natasha Gerschon Photographe

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