Derrière l’objectif : Pam Lau

La directrice artistique et photographe Pam Lau sait que le seul moyen de vraiment réussir est de donner au suivant. C’est pourquoi elle a créé l’Ecru Club, une initiative populaire qui se consacre aux relations et à la communauté plutôt qu’à la concurrence.

Commencez par ce que vous aimez faire

L’amour de la photographie est profondément ancré chez Pam Lau. Inspirée par un album photo de famille, Lau a pris son premier appareil photo (l’ancien appareil argentique des années 70 de son père, une chose que nous avons tous cherchée sur Etsy récemment) à l’âge de 14 ans. « J’adore les vieilles photos de mes parents d’avant ma naissance. Je les aime, car elles n’ont pas été prises dans un certain but ou d’une certaine façon; elles ont alors quelque chose de très sincère. »

Au secondaire, Lau était la photographe attitrée de son groupe d’amis, mais ce n’est qu’au moment de terminer ses études universitaires (dans un domaine complètement étranger à la photographie) que son avenir dans l’univers des arts visuels a commencé à se manifester. « Je suis une autodidacte, affirme Lau, et j’ai commencé à faire de la pige à l’école parce que les gens disaient : “D’accord, nous devons photographier cet événement et Lau a un appareil photo”. »

Une croissance perpétuelle

L’aventure créative de Lau à titre de directrice artistique a commencé par un constat : ce n’est pas seulement une question de photos, mais aussi de l’intention et de l’auditoire qui les sous-tendent. Alors qu’elle explorait et expérimentait de nouvelles techniques, Lau a acquis de nouvelles perspectives et une meilleure compréhension de son art. C’est cet esprit curieux et aventureux qui est finalement à l’origine de la croissance et de la transformation du travail de Lau. « Lorsque j’ai commencé, je couvrais seulement des événements où j’attendais que quelque chose apparaisse devant l’appareil photo. Mais je me suis ensuite rendu compte que plus j’exerçais de contrôle, que ce soit en dirigeant ou en planifiant, plus le résultat était meilleur. J’adore pouvoir contrôler ce que je vois au lieu d’attendre que ça se produise. »

Comme beaucoup de photographes en herbe, Lau a eu du mal à trouver son style et à ressentir le besoin d’évoluer vers ce qu’elle croyait que les clients recherchaient. Pour prendre des photos vraiment uniques et authentiques, vous devez faire confiance à votre instinct. Il faut du temps et de la patience, mais tout commence par croire en soi et en ses capacités. « Je ne sais pas s’il y a un processus direct ou un équilibre à trouver, mais je découvre que plus j’écoute mon intuition et je fais des suggestions ou soulève des préoccupations devant un client, plus ma touche personnelle s’exprime dans mon travail. »

Révéler son égoportrait intérieur

« La photographie pour moi est une forme de construction de mondes. C’est une forme d’exploration personnelle. En examinant le travail des autres, je peux déduire ce qui importe pour eux et quelles sont leurs valeurs. »

Dernièrement, Lau essaie d’exprimer dans ses photos la façon dont elle veut se sentir. « J’ai récemment fait un voyage à Oaxaca et j’ai découvert que l’environnement et la lumière exerçaient une forte influence sur moi. Maintenant, je veux que mon travail ait plus de netteté et évoque un certain calme. »

Comme Lau l’a appris, les revers personnels peuvent vous forcer à réévaluer vos priorités et vos valeurs. La vie a aussi un sens de l’humour malicieux quand elle sait que votre style de vie comporte de nombreuses étapes.

« Il y a quelques années, je me suis blessée au genou en faisant de l’escalade, ce qui a complètement changé ma vie. J’avais un beau studio, mais il y avait quatre volées d’escaliers à monter sans ascenseur. J’avais un joli loft. Mais j’ai dû cesser de travailler pendant quelques mois et tout a été bouleversé. »

« Je ne pensais même pas que c’était arrivé à dessein; ça s’était tout simplement produit. Mais ça m’a forcé à me demander ce que j’étais sans mon travail. Qui suis-je si je ne peux pas créer? »

Lau préconise de prendre soin de votre santé mentale en tant que facteur important permettant de promouvoir votre créativité. Grâce à la thérapie et à l’introspection, Lau a compris l’importance d’agir avec énergie de façon intentionnelle et de se concentrer sur ce qui lui importe vraiment.

« J’ai vu un thérapeute pendant cette période. J’ai beaucoup pleuré et déballé. Et ça m’a aidé à comprendre qu’avant, je me concentrais sur la validation externe. Vous savez, les clients, l’obtention d’un prix, la comparaison, s’inquiéter des abonnés. Mais ça ne m’a jamais satisfaite, car je n’avais pas confiance en moi. »

Le manque de confiance en soi est inévitable en photographie, mais il peut nuire à votre développement artistique. C’est pourquoi il est si important de trouver une communauté qui prône l’encouragement et le soutien mutuels. « Au fil des ans, le Laboratoire de création de Canon a été l’un de ces espaces pour moi. Qu’il s’agisse d’offrir du mentorat ou de diriger un atelier, de contribuer à des expériences créatives en personne à Toronto et à Montréal ou de

participer à une discussion, je suis enthousiaste et ça me rappelle pourquoi je fais de la photographie. »

Toujours jeune

Il se passe tant de choses derrière l’objectif : c’est la magie que vous ne voyez pas. « La photographie est intéressante parce que, la plupart du temps, vous ne voyez que le résultat final et l’image; il faut vraiment beaucoup de travail pour atteindre un certain point. »

Lau croit que la confiance est essentielle en photographie, car elle contribue à créer des liens et à faire preuve d’empathie entre le photographe et son sujet. « Si vous placez quelqu’un devant votre objectif, cette personne devient très vulnérable. »

Le développement d’un sentiment de confiance et de liens avec le sujet est une question de pratique et de compréhension. « Avant, je détestais me faire prendre en photo parce que je perdais le contrôle. Je pense que pour comprendre une autre personne, il faut simplement essayer de se mettre à sa place. Si vous voulez comprendre comment travailler avec un modèle, vous devez alors essayer d’être un modèle ou de poser pour d’autres photographes; vous apprendrez beaucoup de choses. »

Lau encourage les artistes à ne pas perdre de vue leur vision artistique en matière de photographie. En exposant votre point de vue unique dans votre travail, vous pouvez créer des images vraiment mémorables. N’hésitez pas à prendre des risques créatifs et à explorer votre propre style artistique; c’est ce qui vous distingue en tant que photographe. « Vous pouvez réunir deux photographes dans la même pièce, avec le même sujet, et tout configurer, mais les photos qu’ils prendront seront tout à fait différentes. »

Les compétences en photographie ne se limitent pas qu’au studio; c’est ce qui a permis à Lau de devenir plus ouverte d’esprit. « Pour moi, la photographie a été une merveilleuse façon de rester jeune à jamais, d’être très curieuse et d’apprendre différentes choses. »

Encourager la prochaine génération

L’enseignement et le mentorat sont prioritaires pour Lau, car ils l’aident à partager ses connaissances et à aider les autres à progresser. C’est pourquoi elle a lancé, avec son partenaire Jimmy Vi, l’Ecru Club, une initiative populaire fondée par des photographes et des directeurs autodidactes. « Nous proposons des programmes qui abordent les obstacles financiers, institutionnels et culturels pour les artistes émergents. »

Comme Lau se nourrit de l’énergie des gens qui l’entourent, le fait de côtoyer de nouveaux talents ayant une telle volonté d’apprendre lui procure un environnement gratifiant. « Au cours des deux dernières années, nous avons reçu du financement dans le cadre d’activités de sensibilisation dans la ville de Toronto pour organiser des ateliers gratuits de développement de concepts pour les cinéastes et photographes panasiatiques autodidactes. »

Les photographes assument de grandes responsabilités en contrôlant l’image d’une personne et la façon dont elle est perçue; il est donc essentiel de promouvoir la positivité corporelle, l’inclusivité et la diversité dans leur travail. « L’endroit où vous placez votre objectif est celui où vous placer votre attention. Je crois qu’en insistant sur ce point pour faire place à de nouvelles perspectives, nous remêlons les cartes pour savoir qui reçoit des occasions et des engagements. »

Grâce à son travail au sein de l’Ecru Club, Lau ne s’attaque pas seulement aux obstacles traditionnels comme les compétences techniques ou les connaissances. « La confiance en soi et la volonté ou l’idée de penser que “ce que j’ai à dire est important” constituent un obstacle de taille. »

La peur de la concurrence et la rareté peuvent empêcher les photographes d’ouvrir des portes aux autres. Pour Lau, une mentalité généreuse consiste à reconnaître que vous ne vous êtes pas rendu si loin tout seul et qu’il incombe à chacun d’aider les autres. « Des gens ont pris des risques sur moi; je considère donc avoir l’obligation d’aider les autres. Vous commencez alors à vous rendre compte que, comme nous faisons partie d’un secteur aussi collaboratif, plus vous partagez, plus vous soutenez et aidez les gens. C’est en sorte un écosystème altruiste. »

Le programme Futures de Canon favorise la création d’une communauté instantanée qui abolit les frontières géographiques et offre une occasion unique aux personnes provenant de régions moins densément peuplées ou de petites villes. « Le programme Futures est formidable, car il est accessible partout au Canada. Habituellement, la proximité géographique vous donne un avantage parce que vous avez accès à ces liaisons. Grâce à ce programme, vous pouvez obtenir du soutien, des conseils et de l’équipement sans devoir bouleverser votre vie entière. » La capacité du programme à inspirer les gens et à les habiliter à réaliser leurs aspirations créatives et à élargir leurs horizons photographiques sans devoir payer de loyer à Toronto est un véritable cadeau, comme tous les locataires à Toronto le savent.

Après avoir été témoin de la motivation et de la détermination des candidats au programme Futures, Lau en a été fortement impressionnée. « Ce qui m’a beaucoup émue dans les candidatures, c’est de voir des gens qui subissaient des pressions différentes dans leur vie ou, pour une raison ou une autre, ont abandonné la photographie, voyant ce programme comme un moyen de prendre un grand virage et d’y aller à fond. »

Aiguisez votre attention

On dit que le recul procure une vision claire, mais, quand vous avez une vue perçante, elle l’est encore plus. Les conseils de Lau aux photographes émergents s’avèrent judicieux pour tous les créatifs. « Tout d’abord, je prendrais le temps de vous comprendre, pas seulement en tant que photographe, mais en tant que personne. Au moins comprendre non seulement ce qui vous motive à créer, mais aussi les environnements dans lesquels vous évoluez. »

Lorsque vous comprenez les environnements dans lesquels vous évoluez, vous commencez à comprendre le genre de travail que vous aimez faire. Il s’agit d’une partie importante du processus pour Lau. « C’est de cette façon que, selon moi, l’intuition se développe lorsque vous agissez selon vos valeurs. Plus vous donnez libre cours à vos idées, même si vous avez peur de ce que les autres pourraient penser, plus ça devient fort. »

La participation de Lau aux programmes de Canon lui a permis d’acquérir un profond sentiment d’allégeance et de finalité. « Ce fut toute une révélation pour moi de savoir ce qui m’intéresse et que le travail que je fais suscite de bons commentaires chez les mentorés. Je pense qu’il est vraiment intéressant de constater que le mentorat va dans les deux sens, que vous pouvez aussi apprendre de vos mentorés, car ils voient les choses d’un œil différent, ils ont une perspective différente, un point de vue différent sur les choses. »

Le mentorat va au-delà de la durée du programme. « C’est une relation qui se poursuit. Il est vraiment agréable de voir les gens se développer et progresser dans leur carrière. C’est le lien et l’authenticité véritables qui découlent d’une communauté de gens qui sont vraiment là pour vous soutenir. »

L’art est le reflet de la vie

L’attention est une ressource rare et Lau admet qu’il peut être difficile de se concentrer sur ce qu’elle veut faire parmi toutes ces distractions. « Le plus grand défi pour moi est de tout simplement calmer les choses autour de moi et de me concentrer sur ce que je veux faire. »

Le travail tactile peut être un moyen utile de se concentrer et de s’engager dans un processus créatif. « Avant, lorsque ma mobilité était plus limitée, je me promenais tout simplement pour aller cueillir des fleurs. J’ai ensuite commencé à les presser. Pas vraiment avec un but en tête, mais je pense que ça commence à m’orienter. »

Le processus de création est tout aussi important que le résultat final. Il importe de se rappeler la joie que nous apportent nos projets créatifs et, pour Lau, c’est la joie d’apprendre, de créer et d’expérimenter. « La photographie est une réflexion sur l’art et la vie. Et si vous ne vivez pas, si vous n’essayez pas d’enrichir votre vie, vous savez, à part vous concentrer simplement sur le travail, vous n’aurez pas autant de choses à dire. »

Pam Lau Photographe et réalisateur

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